Quelle a été votre vision curatoriale pour la sélection et l’exposition du Prix Découverte Fondation Louis Roederer ?

L’exposition propose que la manière dont nous — public — lisons les images, comment cette réception diffère d’un individu à l’autre, d’une perspective à l’autre. La façon dont nous percevons et interprétons le sens des images dépend en partie de nos expériences personnelles, de notre mémoire et de notre conditionnement, et aussi de la manière dont les images nous sont présentées. L’image est-elle montrée comme une preuve ou une œuvre d’art ? Comme un témoignage ou comme une manipulation ? Comment certaines sources nous font croire que ce que nous voyons est « vrai » et d’autres « faux » ? L’échelle, la structure, le contexte sont autant de constructions qui affectent la perception du spectateur. Les artistes sélectionnés utilisent diverses stratégies pour modifier nos perspectives.

Quels ont été vos choix scénographiques ?

Ces choix s’inscrivent d’abord dans le flux des œuvres au sein du bâtiment. Le projet de Philippe Calia fonctionne comme un « activateur », car sa série sur les musées indiens aborde cette notion même de l’impact de la mémoire résiduelle et du dispositif visuel sur nos « façons de voir ». De nombreux artistes utilisent la performance et l’autoportrait pour aborder les questions liées à l’identité et pour faire évoluer l’opinion générale sur la manière dont leurs communautés sont perçues ou montrées. Nous utilisons également l’échelle à plusieurs reprises dans l’exposition pour travailler avec la monumentalité de l’église et aussi pour proclamer certaines déclarations artistiques sur la perception, la violence de genre et l’identité personnelle.

Les artistes sélectionnés proviennent pour la plupart « de territoires historiquement sous-représentés ». Qu’entendez-vous par là ?

Au moins 80 % des artistes de cette exposition s’identifient au sud global. Ils privilégient des récits et des points de vue différents de ceux du courant dominant, que ce soit sur le plan de représentation régionale (non occidentale) ou de problèmes qu’ils abordent, par exemple, la violence fondée sur le sexe ou l’oppression des castes. Ces points de vue d’auteur sont distincts de ceux que nous avons longtemps vus dans la photographie, à savoir celui de l’homme blanc occidental itinérant, et rassemblant ces artistes dans un groupe unique. Tous les artistes sélectionnés utilisent l’image pour en subvertir le sens au-delà de ce qu’elle affiche visiblement.